Certains vous diront qu'il n'y a rien de pire que les certitudes. Pour étayer leur propos, ils ajouteront que ces mêmes certitudes qui ne leur font pas défaut, de par l'évidence qu'elles aspirent, vous aveuglent. Pernicieuses à souhait, elles vous détournent du droit chemin. Les certitudes vous rendent inébranlable dans les faits, mais une fois remise en question, elles ne font que vous conférez le digne « statut » d'imbécile. Alors nous sommes tentés de croire, qu'il ne faut jamais laisser les certitudes prendre le pas sur les incertitudes. Oui, bien sûr que c'est bon de douter, cela vous oblige à cogiter, à émettre une autre alternative, à prendre des chemins de traverse. L'incertitude vous déséquilibre constamment, c'est un fait. Oui, vous restez sur vos gardes à l'inverse de Dame Certitude qui vous berce de douces illusions. Être incertain n'est pas une faiblesse selon les dires, se remettre en question s'est accepté le fait de ne pas être inébranlable, d'accepter LES possibilités au lieu de se focaliser sur LA possibilité. Mais qu'en est-il lorsque toutes vos certitudes volent en éclats et qu'accaparé par l'incertitude, vous n'en demeuriez pas moins délesté de toute autre alternative ? Que se passe-t-il lorsqu'on accepte de ne pas être inébranlable et qu'aucune solution ne vous ait cependant proposé ?

Haytham ne se donna pas le temps de réfléchir et esquissa du revers de la penser, l'ombre d'une réflexion. Le temps leur était compté présentement, de ce fait une décision devait être prise sans tarder. Sans confiance, le demi-dieu fils de Mars apposa une main presque tremblante sur le cube. Il resta immobile durant trois longues secondes et forcé de constater que rien ne se passer, il retira aussitôt la main et guetta les alentours. Rien n'avait changé, les personnes qui entouraient les demi-dieux, continuaient à subir les aléas d'un temps détraqué, tandis que nos deux protagonistes continuaient à se mouvoir « normalement » Puis l'accalmie cessa de bercer nos deux protagonistes et aussitôt le pernicieux compte à rebours reprit son décompte infernal. Cette fois les chiffres défilaient à une vitesse plus conséquente ce qui laissait encore moins de temps pour tenter de trouver une solution, si du-moins il était possible d'en trouver une. Lois qui avait fermé les yeux l'espace de quelque seconde, fut une fois encore la première à briser un silence qui n'avait plus le temps d'être pesant. Ce à quoi le demi-dieu répondit prestement : « - J'ignore ce qui se passe, mais les chiffres continuent à défiler et... » Il ne put se résoudre à terminer sa phrase car toute son attention était à présent rivée sur la "jeune" femme. D'abord incertain, l’Irlandais se laissa envahir par la peur en voyant le doux visage de cette jeune femme se flétrir à mesure que les secondes défilaient. Lois elle-même avait senti les changements cutanés, des changements tellement conséquents qu'elle ne put réprimer un hurlement avant de prendre en main quelques-unes de ses mèches qui elles aussi subissaient les outrages d'une temporalité complètement détraquée.  

Haytham lui-même subissait de plein fouet les effets de cette malédiction. Les quelques mèches grisonnantes qui couvraient ses tempes, commençaient à disparaître progressivement au même titre que les petites rides de son visage qui commençait à redevenir lisse. Son cœur battait la chamade, car non-content de se voir disparaître les quelques affres du temps, cette cure de jouvence se faisait trop rapide, au même titre que le vieillissement de la jeune femme qui commençait à éprouver la plus grande des difficultés à se tenir debout. « -Comment voulez-vous que j'arrête quelque chose que je ne contrôle pas ?! » lui lança t'il en guise de réponse à ses supplications. Alors avant que le temps ne vienne à manquer, les deux enfants divins se lancèrent dans une quête frénétique pour ne pas finir bébé ou âgé. Somme toute les dès semblaient avoir été jetés, la partie venait de commencer et il fallait à présent damner le pion à l'adversaire qui les épiaient encore dans les ténèbres.  

« Là ! » Lois venait d'indiquer du bout du doigt désormais enclin aux affres de la vieillesse, une petite coupole située sur le sommet du cube. Le fils de Mars se précipita vers elle et remarqua à son tour la petite coupole. Il continuait de rajeunir encore et encore et perdait de sa superbe. « -Nous n'avons plus le temps de réfléchir, tant pis » Il se précipita sur le sommet du cube et frappa la petite coupole sans réfléchir. Un silence mortuaire assaillit le lieu. Le jeu venait-il de prendre un tournant ou les deux demi-dieux, s'apprêtaient-ils à subir une nouvelle phase ?

« La nuit est sombre et pleine de terreur. »

N'écoutant que son instinct belliqueux, Haytham avant que l'arthrose (précoce) ne l'empêche de se mouvoir correctement, avait fait tâter au cube de sa lame. Il n'est nul besoin de réflexion dans ce genre de situation, puisque le temps vous presse comme un citron, vous vous devez d'être réactif. Vous êtes le démineur en pleine action. La phase est critique, il reste trois fils, un bleu, un jaune et un rouge et pour que le compte à rebords cesse vous laissant espérer une hypothétique survie, vous n'avez nul autre choix que de couper (à tout hasard) l'un de ces trois fils. C'est donc à tout hasard, que le fils de Mars avait brandi son épée contre l'odieux cube et qu'il s'était acharné sur lui à plusieurs reprises, manquant de viser le vide au passage.

Un coup, rien ! Un deuxième, toujours la même inertie au sein du centre commercial. Puis quand arriva le troisième et dernier coup perpétré par la lame presque vengeresse du fils de Mars qui peinait d'ailleurs à tenir son épée au vu de son jeune âge, un « quelque chose » d'inhabituel se produisit. Hay pouvait à nouveau sentir toute sa force, ses mains reprirent une taille d'adulte, ses jambes s'étirèrent le ramenant à son mètre quatre-vingt-onze. Il posa son regard noisette sur Lois, sa peau cessa de laisser paraître les quelques cavités inhérentes à une vieillesse avancée, ses mains aussi. Peu à peu, les choses tendaient à reprendre leur cours, du moins c'est ce qu'Haytham se disait, espérant naïvement avoir réglé le problème avec quelques coups d'épée bien placés. Ah ces fils de Mars toujours enclin à régler les soucis avec quelques coups d'épée. La victoire, ou du moins, le sentiment de victoire, fut de courte durée, car en effet, le cube s'ouvrit en quatre provoquant l'étonnement du Marsien qui chercha une réponse à ses interrogations dans le regard de Lois. Les deux demi-dieux ne purent que constater le néant qui habitait l'intérieur de l'objet. En effet, de prime abord le cube semblait vide et tandis qu'ils allaient de leurs petites observations, le temps reprit son cours libérant les malheureux humains de sa défectueuse emprise.

« -Mais qu'est-ce qui se passe ? » lança le fils de Mars, une fois encore éprouvé par l'incertitude. Il n'eut d'ailleurs pas l'occasion de trouver un début d'explication, car en l'espace d'une seconde, il se retrouva dans l'obscurité la plus totale.

« Il n'y a pas d'âge pour avoir peur du noir. En fait quand on y pense ça n'est pas tant l'obscurité qui nous effraie, c'est ce qui se cache derrière les ténèbres qui eux, peuvent nous épier sans que l'on puisse en faire de même. Au royaume des ombres, les aveugles sont rois… Ou un truc du genre. Je ne me souviens plus de la citation exacte, mais je me souviens de la personne qui me l'a énoncé, un gamin que j'ai croisé sur une route abandonnée durant mon passage en Somalie. C'était une mise en garde et je ne l'ai pas écouté. Les ténèbres recèlent de bien des choses, mais elles sont surtout le repaire de nos ennemis les plus intimes… Donc ne nous faites pas de biles, tout le monde a le droit d'avoir peur du noir… »


« -Lois… ? » Nul besoin de hurler, son ouïe lui indiqua au vu de la réverbération que la jeune demoiselle n'était pas très loin. Le demi-dieu peu à l'aise essaya de se calmer. L'espace n'était pas confiné loin de là, mais les ténèbres aussi pernicieuses que le dieu qui s'amusait avec eux, le laissait croire. Le fils de Mars ferma les yeux afin de laisser ses autres sens prendre le relais. Il fit un premier pas, puis un second avant que la jeune Lois ne l'appelle à nouveau. « -Je suis là, pas loin ! » Sa main toucha le mûr froid et lisse au moins autant que la face extérieure du cube. Pour s'éviter des blessures inutiles, il tapota à nouveau sur sa chevalière et fit disparaître son arme pour ensuite tâter plus facilement le mur et recueillir le plus d'informations possibles. Il entendit à nouveau la voix de la jeune fille qui cherchait à savoir de quelles capacités son acolyte du jour était pourvu. Cette prise de parole permis à l'irlandais de se rapprocher un peu plus d'elle. « -Mes capacités ? Et bien pour commencer, je n'ai pas le pouvoir de faire des petits feux de camp, ce qui nous aurait bien aidés. Plus sérieusement ! J'ai sans prétention, une acuité sensorielle incroyable et le petit plus, la force surhumaine qui va avec. Je doute que ça nous aide pour le moment » Il entendit alors la jeune demoiselle tapait avec vigueur contre la paroi de leur prison. Peut-être espérait-elle être entendue et secouru. Haytham, ne voulait pas faire preuve de pessimisme et c'est bien pour ça qu'il préféra ne rien dire sur l'instant.


« -Merde… » murmura-t-il cependant. Pourquoi fallait que certains dieux soient aussi méchamment joueurs. N'avaient-ils donc pas d'autre passe-temps. D'ailleurs, qui pouvait bien avoir de tels pouvoirs. La liste étant trop longue, il était impossible de désigner un suspect. Alors que faire de plus ? Rester ici à attendre que quelqu'un ouvre le cube et les fasse sortir. Peu encline à l'abandon Lois avait opté pour une autre alternative. Elle venait d'entendre quelque chose, le genre de quelque chose qui étaya la curiosité du fils de Mars qui imita dans le savoir sa camarade en collant son oreille contre la paroi. Les enfants courraient partout, les parents râlaient, la foule avait repris le cours de sa vie ne se rendant pas compte de la défaillance du temps. « -Cet enfoiré veut jouer avec nos nerfs » lança-t-il furax. Il repensa au coup de l'épée qui paraissait être une évidence sur le coup, mais qui après réflexion, sonnait comme une action sûrement veine. La personne responsable de leur enfermement n'était pas aussi bête, c'était une évidence. Hay continua à tâter le mur, jusqu'à sentir l'épaule de Lois. « - C'est moi ne vous en faites pas ! De toute évidence, la personne responsable de tout ça, n'a pas assez de cacahuètes dans le slibart pour nous proposer autre chose qu'une partie de cache-cache dans le noir. »

Alea jacta est: