Ses lèvres étaient si sucrées, si douces mais surtout gourmandes. Il sentait son petit corps frêles contre lui. La soif du charnel l'enivrait. Il la serra plus fort, ses doigts qui se dissipaient dans ses longues boucles auburn. Ses toutes petites mains, presque plus menues que celles d'une nymphe avaient eues assez de glisser sur son torse. Elles furent ambitieuses et tombèrent la ceinture.

Il se retrouva au milieu de la chambre, nu comme une des trois grâces, ni même bonnet ou chaussures. On ne voyait plus la brume de leur amour et de la passion du moment, celle qui vous faisait chavirer rien qu'au souffle de votre partenaire, sur une peau avare de tendresse. Non, il était loin de tout ça. Il était ce qu'il était. Le temps avait fait fuir la magie…

_Mais c'est quoi ça ? C'est dégueulasse ! T'es monstrueux ! Disparais de chez moi !!!

Il ouvrit les yeux et vit les millions d'étoiles qui pailletaient le ciel. Il les plissa un instant. Encore un cauchemar. Un souvenir qui parfois frappait ses nuits tranquilles. Il tira le draps, laissant apparaître entièrement son corps de satyre. Il eut un rictus ; la matérialisation d'un pincement au cœur.

Il se retourna et gémit. Son dos était en compote. Au même moment, un couinement retentit. Il sursauta, inquiet et décolla de l'herbe humide, un petit cochon noir, asiatique. Ce dernier s'agita un moment dans ses bras et finit par se calmer sous ses caresses et sa voix grave. Knacki était plus précisément une petite cochonne naine. Il lui chatouilla le groin et se mit debout sur ses pattes dans un chant de craquement. Il ramassa sa couverture et la plia sur une branche. Il quitta son repère dans la forêt, au coin de la colonie grecque. Toujours suivi de Knacki, il prit la direction des écuries.

Non loin de l'entrée, dans le box d'un cheval, une petite chèvre, elle aussi au petit format, étaient allongée dans le foin. On voyait à peine sa petite tête marron. Elle la hissa et de ses grands yeux noirs, elle fixait Aramis. Si elle pouvait sourire, elle le ferait. Gretel, se nommait-elle. Posée sur la barrière en bois du box, un épervier moucheté femelle. Discrète, docile, fidèle et obéissante, Hildegarde était sa préférée. Il sortit un bout de viande d'une bourse en cuir à sa ceinture et lui jeta. Elle le happa, précise et vive, puis mâcha avec gourmandise. Elle glapit de plaisir.

_Continue de veiller sur Gretel, elle est fragile, lui chuchota t-il en lui grattant le cou.

Gretel bêla, jalouse. Elle le réclamait. Aramis finit par s'accroupir, passant la tête entre deux bout de bois et lui fit signe d'approcher. Elle le jaugea longuement et finalement tourna la tête pour se rendormir.

_Du bist ein fauler !

Il se redressa. Le cheval souffla, faisant vaciller sa chevelure, face à un satyre plein d'humeur. L’étalon osait-il vraiment se moquer de lui ? Personne ne pouvait le savoir. C'était entre lui et la bête.

_Toi t'es le prochain barbecue, siffla t-il.

Le cheval se terra au fond de son enclos. Non pas qu'il avait compris qu'il l'empalerait pour le faire cuir sur un bucher, mais il avait senti la menace et le danger. Les animaux ne comprenaient pas forcément ce qu'il lui disait au mot près. Comme eux, ne se taillait pas une bavette avec lui. Ils se comprenaient, simplement, instinctivement, comme des animaux. Knacki ? Elle se roulait dans le crottin. On pouvait entendre, jusqu'au dehors de l'écurie, la créature pester et vociférer contre l'imbécilité et l'instinct animal de sa cochonne.

Il se changea les idées avec les chevaux, pégases et tout autres animaux qui venaient se réfugier ici. Il ne le pouvait qu'avec ces seuls êtres simples, dépourvu de malveillance. Des êtres purs, munis du simple instinct animal et pour le coup, ils aimaient son affection et l'attention qu'il leur portait. Il profita du calme de l'aube par la suite, pour se mouiller les sabots dans l'eau des lames de la mer. Il n'oublia pas de faire grouiner Knacki, qui était contre un petit bain. C'est pourtant si bon de sentir le crottin.

La vie s'éveilla doucement dans la colonie, alors qu'il discutait avec quelques personnes au niveau des dortoirs. Un peu étrange, un peu marignal, il était quand même quelqu’un de populaire. Il parlait facilement aux gens, et connaissait pas mal de monde. C'était aussi bien des sang-mêlé, des compatriotes, centaures et diverses créatures de la colonie qui avaient su apprécier son trop franc parlé et, ou pour qui il avait de l'estime. Ils n'étaient pas nombreux les fidèles, ceux pour qui il était loyal et pour beaucoup aussi moqueurs et méchants que lui. Or avec le temps, il s’était un peu renfermé sur lui même, et hésitait à s’entouré de personne sans intérêt.

Un autre satyre approcha. Il resta debout, alors qu'Aramis avait trouver judicieux de poser son fessier sur le perron du bungalow Aphrodite, en compagnie d'un fils d'Ares. Il ne jeta même pas un regard à son semblable.

_Comme par hasard ! Le bungalow Aphrodite...
_Ecoute Tig, même si y'a des ratées, y'en a qu'on tout pris de leur mère. C'est pas interdit de se faire plaisir aux yeux. C'est...
_... un hommage à Aphrodite que d'admirer sa progéniture, reprit Tig le satyre, en coeur avec son confrère. Change de discours !
_Vraiment ? Je le dis tant que ça. Faut revoir les arguments, les dieux ne sont pas dupes, fit-il faussement pensif, plutôt perdu sur une paire de jambe.
_Ca non mon chéri, lui frappa une ravissante blonde, d’un point contre l’épaule.
_Hey, ma Kylie, brillaient ses yeux en voyant sa plus grande amie, recevant un baiser sur le front de cette dernière.
_Là ! Fesses fraîches ! beugla le fils d’Ares, suivit de Gretel.

Les deux satyres tournèrent leur tête en direction du doigt du fils guerrier. Une magnifique et nouvelle petite brune aux yeux azurs, sortait d'un pas peu assuré. Aramis et Byron, le fils du dieu de la guerre hochèrent la tête pour approuver la beauté de la demoiselle. Il pivota vers son collègue et répliqua :

_C'est pour cela que j'attends-...

Enfin, ce qui restait de son collègue. Il entendit des sabot fouler la pierre. Il était là, devant la brunette, grand sourire. Le beau tableau d'une créature luxurieuse, face à une demi-déesse, entourée de rose et de murs aux sensuels reflets roses.

_Mais franchement, grogna t-il, y'a des baffes qui se perdent !
_Trop rapide, ajouta Byron, en hochant la tête, las.
_Vraiment trop rapide, confirma Kylie en imitant le geste de ce dernier.

Ce dernier se tourna vers son camarade qui à son tour, avait disparu. Il était là-bas, joignant ses sabots à Tig. Il souffla et s'en alla prendre un petit déjeuner, avec la belle demoiselle, chère amie d’Aramis. C'était bien plus constructif que de voir deux boucs en rut.

Aramis était suivi de ses deux fidèles amies, Knacki et Gretel, Hildegarde fièrement sur son épaule. Et on déclencha le sourire narquois quand de beaux yeux bleus comme un océan tropical l'observèrent, timides.

_Enfin, après je dis ça seulement si tu as besoin d'aide. Je me dois de te guider en tant que satyre... disait si gentiment Tig.
_Il a raison, nous, appuya t-il sur le mot, sommes là pour te guider, finit par couper Aramis.

Tig grimaça, voyant clair dans son jeu. La nouvelle recrue s'était baissée pour caresser Gretel. La biquette ne se priva pas de petites attentions et s'en prenait déjà à ses longs cheveux bruns. Elle mâchouillait, le regard vide et innocent. La fille d'Aphrodite craquait et sourit ce qui fit fondre les deux satyres. Aramis s'en mordait la lèvre. Knacki, sans gêne, réclama elle aussi ses câlins.

_Ils sont vraiment trop mignons. Ils sont à toi, demanda t-elle d'une voix cristalline.
_C'est bien ça ! Gretel, Knacki et Hildegarde, les présenta Aramis avec un clin d'œil à Tig.
_Mais c'est pas vrai, pesta l'autre satyr dans son bouc
_Ecoute, j'ai pris ce qui venait. L'amour fou avec les bêtes, ça ne se choisir pas, fit-il, grand sourire en assenant son ami d'un petit coup de sabot. Je suis plus vieux tu sais, donc... J'ai plus d'expérience que mon collègue. Si jamais tu veux de l'aide... Puis je pourrais te laisser t'occuper de mes coupines à l'occasion.
_C'est vrai ! Je pourrais ? S'émerveilla la demoiselle. C'est vraiment gentil. Tu t'appelles ?
_Aramis, en hommage à un mousquetaire, dit-il avec suffisance.
_Ouais, comme celui qui a les femmes comme « pêché », fit Tig en mimant les guillemets.
_Aramis ? Je retiendrais, émit-elle presque charmée.

C'était gagné. Il fixa son collègue et ajouta à la jeune femme, sans aucune attention à son égard.

_Retiens le que si tu peux te montrer vraiment gentille.

Aramis s'en alla sans attendre son du. Il laissa Tig exaspéré et la fille d'Aphrodite interdite. Elle avait bien compris ce que ce gueux sans respect voulait dire. Tig la laissa en s'excusant et courut après son ami.

_Aramis ! Un jour les dieux te le feront payer !
_ Tu crois ? On est que la réalité de leur nature...

L'heure du petit déjeuner. Ce fut surtout ses animaux qui eurent droit à un peu de pain et de fruits. Lui, il grignotait. L'appétit n'était pas là. Soudain un fils d'Hermès arriva à la chaise voisine avec un fracas prémédité.

_Hey ! S'écria t-il.
_Hmmmm que la journée commence bien, se dit-il à lui même. Franchement, t'as penser à la fermer toi le matin ? Se retint Aramis de virer son tabouret d'un coup de sabot. Tu veux quoi ?
_ Rien … Je me demandais ce que t'allais faire today? Y'a pas mal d'enfants et … Toi ça fait un moment que t'es là... Que tu traines avec Riri, Fifi et Loulou, déblatéra t-il, content de lui.
_Déjà ta vieille haleine le matin, je m'en passerais, tout comme ta voix de pédale dans mes tympans. Ensuite, je vois pas pourquoi ça te préoccupe, Machine à ragot, répliqua sèchement Aramis. Il n'était pas du matin.
_ Bah c'est ça le truc... J'enquête. On dit que t'aurais peur des petits et méchants humains, se moquait-il presque de lui. Parce que môsieur a eu le coeur brisé, bouhouhouhou, feignit l'empoisonneur de s'essuyer des yeux plein des larmes compatissantes.
_Ok...

Son tabouret grinça et il tenta de s'éloigner.

_Oh ! Le méchant Aramis à peeeuuur des mortels ! Mais tu croyais quoi ? Kylie aussi va finir par te fuir… Ca sert à rien de te la garder sous l’aile égoïstement, dans l’espoir de te la faire, cracha t-il par simple jalousie.

Le satyre fit volte-face et senti la main imposante de Tig sur son torse. Il lui fit non d'un signe de tête.

_Tu sais un jour, il n'y aura pas de témoin et il n'hésitera pas à s'occuper de toi, crois moi, chuchota Tig à l'attention de l'enquiquineur alors que le deuxième satyre avait quitté la salle à manger.

Kylie arriva juste derrière, fit un bon gracile et lui écrasa son poing plein visage, lui explosant le nez. Pour qui il se prenait ? Déjà elle était maitresse de dire à qui elle offrait son corps, et surtout, jamais on ne devait manquer autant de respect à Aramis et elle même. Elle fut vite attrapée par Tig qui entraina la furie un peu plus loin.

Il était dans la forêt, sur son « arbre à papouille », comme il aimait l'appeler. Le tronc se tordait un peu à l'horizontale avant de s'élever haut dans les airs, Un petit banc naturel et romantique, grâce aux petites feuilles qui flottaient tout autour. Appuyé lascivement sur le tronc droit, Hildegarde posée sur le bord, il ferma les yeux un instant. Tout sentait si bon dans cet endroit : la fraicheur de la mousse, les baies sauvages, un bouquet floral agréable et frais, l'eau du ru au loin. Ah, il en avait berné des demoiselles ici, il en avait émoustillé un paquet.

Il ne savait même plus depuis quand cette mésaventure était arrivée. Trois ou quatre, peut-être cinq ans. Un mois ? Il était sur que sa blessure était toujours suintante et se traduisait par sa haine envers les humains, voire tout le monde. Il ne voulait plus vraiment aller dans ce monde « réel ». Ce monde froid, avec des croyances factices. Il avait trop peur de la croiser et qu'elle attise des passions encore trop fortes et douloureuses pour lui. Mais pire encore, il ne voulait plus rencontrer l'inhumanité de l'humanité. Il ne sait ce qui l'avait retenu de la battre jusqu'à la mort. Cela aurait été plus facile à vivre.

Ce ne fut qu'un pauvre petit soir, dans un bar. Il attendait une fille d'Eol, à une fin de cours du soir. Une belle petite barmaid que voilà, à venir lui sourire et le pousser à boire. Des boucles gracieuses qui s'échappaient de son pic à cheveux ne la rendait que plus belle, sauvage et indomptable. Ils discutèrent et se revirent. Un amour sincère. Pas le premier, mais le vrai, le profond, celui rend un homme idiot et sans peur. Elle l'avait trouvé merveilleux et si respectueux. Il n'avait pas seulement attendu si longtemps pour aller plus loin car il n'était pas comme elle. Il voulait prendre son temps pour que tout soit parfait. Mais l'homme est impur et la femme pis encore. Il était chez elle, un joli petit couple en émoi encore. Il était temps de passer aux choses sérieuses. Des câlins, des étreintes dans un lit, lentement les vêtements tombèrent, et bientôt la réalité de son corps aussi. Elle sauta hors du lit, le regardant avec un blessant effroi. L’appelant comme un monstre, il resta coi. L’amour, c’était sa faiblesse. Jalousie, possession, passion, mais là, il ne put se contrôler tant ses transports l’aliénaient. Il s’avança lentement, très lentement d’elle alors qu’elle le sommait de quitter l’appartement. Il l’attrapa sèchement, serrant ses mains comme un étau sur sa mâchoire et lui vola un baiser. Elle le gifla, mais il la repoussa contre un mur. Elle se débattit, tenta d’atteindre la porte de sa chambre et fuir vu qu’il ne voulait partir. Ses cheveux furent son malheur. Il les avait attrapé au vol, tira violemment dessus. Elle gémit de douleur et la jeta au sol. Ses gémissements se transformèrent en hurlement.

Il rouvrit les yeux. Oh non, il ne voulait pas revivre deux fois la même chose. Il avait honte mais elle l'avait poussé à le faire. Il n'est point devenu méchant et moqueur après cet événement,. Il fut juste plus cruel et intolérant. Il n'hésitait plus à dire ce qu'il pensait quitte à faire mal. Parfois même, il exagérait les choses, juste dans le plaisait d'anéantir. C’était quelqu’un de si apprécié, convoité, populaire, il était certes arrogant, mais les plus timides et effacé voulait faire partie de son cercle d’ami. Il était resté arrogant, et une partie de ses camarades l’avait quitté, trop froid, trop mauvais. Elle l’avait changée,  son acte l’avait changé, lui si gentil et toujours de bonne humeur. Oh, il le restait, mais il ne fallait pas pousser. Peut-être aussi qu'il se protégeait. Il préfère penser que c'est pour faire payer ce que Missy lui à fait.

_Putain de nom de chatte en chaleur, siffla t-il à Hildegarde en pensant à elle. Je sais, je sais... Tu me diras, j'ai un nom de mousquetaire. Un prêtre chrétien en plus.
_J’avoue que c’est pas terrible, mais je préfère le mousquetaire que la chatte en chaleur. Moi j’ai celui d’une pétasse avec ma chevelure blonde, rit soudainement une petite voix derrière lui.

Il tourna la tête et rapidement l’adorable fessier à rendre fou n’importe qui de Kylie se posa sur son tronc et elle vint se blottir dans ses bras. Mais ce n’était pas plutôt à lui de se blottir ? Il la serra tendrement contre lui, se perdant dans son parfum sucré. Personne ne la touchait et personne ne le touchait tant qu’ils étaient vivants.

_Oh tes mains ! vociféra t-elle en le frappant.
_Désolé c’est dans ma nature, la taquina t-il.
_Elle a bon dos ta nature…

Ils finirent par rire et parler jusqu’à ce que leur quotidien leur demande de retourner à leurs occupations.